Mouvements protestataires et luttes populaires : France (1831-1968)
par Julien Caranton, Adeline Blaszkiewicz-Maison, Romain Castellesi, Caroline Fayolle, Thaïs Gendry, François Jarrige, Laurent Lopez et Guillaume Roubaud-Quashie
France met. & monde : 3€ jusqu'à 25€, 6€ jusqu'à 50€, 9€ jusqu'à 100€, 12€ au-delà 100€ DOM-TOM : 8€
Tout ce dont l’étudiant a besoin pour le sujet 2023 d’Histoire contemporaine du programme commun d'Histoire et des banques communes d’épreuves du concours des ENS Lyon et Ulm.
Comme tous les Clefs-concours, l’ouvrage est structuré en trois parties :
- Repères : le contexte historique
- Thèmes : comprendre les enjeux du programme
- Outils : pour retrouver rapidement une définition, une date, un personnage, une référence
Fiche technique
- Référence
- 460842
- ISBN
- 9782350308425
- Hauteur :
- 17,8 cm
- Largeur :
- 12 cm
- Nombre de pages :
- 360
Introduction
Qu’entend-on par histoire “populaire” ? 17
Mouvements protestataires, luttes populaires et répertoires d’action 20
Présentation de l’ouvrage 26
Repères
La France rébellionnaire et révolutionnaire (1831-1871)
Les communautés territoriales face à l’affirmation
de l’État-nation : protestations et violences collectives
(1831-années 1850) 32
Affirmation de l’État central et modernisation économique 32
• L’affirmation de l’État central 32
• Une France majoritairement rurale 34
• Une modernisation et une unification inégales 36
L’économie morale des communautés territoriales en péril 37
• La remise en cause des équilibres territoriaux 37
• La conquête de l’Algérie et les dépossessions foncières 40
La captation des communautés territoriales et le recul des violences collectives dans les campagnes 41
L’émancipation politique et sociale des travailleurs comme mots d’ordre : le combat pour la République démocratique et sociale (1831-1848) 43
L’émergence du concept d’émancipation et d’un nouveau type d’insurrection populaire (décennie 1830) 43
• La révolution de 1830 et l’insurrection polonaise comme moments
fondateurs d’une pensée sur l’émancipation des peuples 43
• “Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant”.
L’insurrection des canuts ou la redéfinition de l’émancipation 44
La maturation d’un projet politique ouvrier 47
• Les formes élémentaires et institutionnalisées de la politisation ouvrière 47
• L’association et l’organisation des travailleurs comme planche de salut 49
L’espoir d’une république démocratique et sociale 50
• La révolution de février 1848 et la souveraineté populaire en actes 50
• L’impossible émancipation féminine ? 52
• Juin 1848, ou la confrontation de deux projets de république 53
Déclin et reformation des mouvements ouvriers protestataires (1849-1871) 55
L’effacement des mouvements démocrates-socialistes et ouvriers (décennie 1850) 55
• Les “campagnes rouges” face au coup d’État 55
• Le Second Empire et l’intégration des catégories populaires 57
La libéralisation politique des années 1860 et la renaissance
du mouvement ouvrier 58
• L’autorisation des grèves et des réunions publiques 58
• La consolidation des oppositions ouvrières et républicaines 61
La Commune et la réappropriation des expériences révolutionnaires de 1830 et 1848 62
• Le mouvement communaliste 62
• S’émanciper de la domination coloniale :
l’insurrection de la paysannerie kabyle (1871-1872) 65
L’émancipation inachevée : luttes et mouvements protestataires à l’heure de la démocratie libérale (1871-1914)
Seconde industrialisation
et structuration du mouvement ouvrier 69
L’essor du système usinier et de la hiérarchie au travail 69
• Contrôler le travail, limiter l’autonomie ouvrière 69
• Des modes de vie profondément transformés 71
La grève et le syndicat comme outils d’émancipation sociale 73
• L’action directe ou la voie parlementaire ? 73
• La grève comme acte de protestation économique et politique 75
• Crises, mouvements ouvriers et xénophobie 78
Les paysans et l’impossible modèle ouvrier 80
• L’intégration des communautés paysannes à l’État-nation 80
• L’impossible grève et l’invention de la manifestation paysanne 82
Les exclus du projet républicain 85
La structuration du féminisme 85
• La naissance du suffragisme, entre radicalisme et modération 85
• Des droits civils, mais pas civiques 87
Impérialisme colonial et luttes populaires 88
• L’accélération de la colonisation (1880-1914) 88
• Des sociétés coloniales inégalitaires 89
Le mouvement de la rue et la contestation du projet républicain (années 1880-1910) 91
La formation de la “droite révolutionnaire” 91
Le mouvement anarchiste et la “propagande par le fait” 95
Les catholiques face à la laïcisation de la société française 97
Entre guerres et grèves : les mouvements sociaux à l’épreuve des crises du premier vingtième siècle (1914-1945)
La Première Guerre mondiale : une Union sacrée sociale
en trompe-l’œil 102
Au front, une conflictualité marquée par les refus de guerre 103
À l’arrière, de l’atonie sociale au retour aux grèves ouvrières 105
Les années 1920, des années vaines ? 109
1919-1920 : entre protestation sociale et retour à l’ordre moral
et politique 109
Des luttes sociales structurées par de nouvelles organisations 111
Anciens combattants et mouvements protestataires de droite 113
Les luttes sociales à l’épreuve de la crise des années 1930 116
Des luttes populaires aux intérêts contradictoires 116
Le Front populaire : “l’échappée belle” du mouvement social ? 119
Lutter sous Vichy 123
Des contestations à l’épreuve de la répression 123
La Résistance, un mouvement social 125
L’illusion des Trente Glorieuses : transformations de la
protestation en France de la Libération au début des “années 68”
Les tensions de la Libération : la société française en ébullition (1944-au début des années 1950) 132
Les affects populaires de la Libération (1944-1945) 132
Ordres et désordres coloniaux 135
Un climat insurrectionnel (1947-1948) 136
Les années 1950 : l’urgence des questions sociales
dans la France industrielle 139
Actions et réactions paysannes face à la modernisation agricole 139
Le soulèvement des indépendants : de l’héritage d’Henri Dorgères
au “poujadisme” 141
Des fonctionnaires aux dockers : une montée en puissance
de la contestation sociale 143
Le début des “années 1968” ou l’insubordination généralisée (1962-1968) 145
Un mouvement de fond et des “flammèches” précoces 145
• La jeunesse et les jeunes : une régénération de la contestation ? 145
• Mouvements féministes et subjectivités féminines en question
dans les années 1960 147
• Convergence des luttes sociales 148
La “crise du consentement” (Boris Gobille) de mai-juin 1968 151
Thèmes
Grèves, protestations et violences : dépérissement, permanence et réinvention
L’âge des violences protestataires (1831-1871) 160
Une violence de plus en plus encadrée et régulée ?
(1871-1914) 165
Déclin de la violence protestataire à l’âge des extrêmes
(1914-1945) 169
Croissance, expansions et violences (1945-1968) 171
La force publique et la démocratisation de la France :
l’ordre à l’épreuve de la liberté, la liberté au péril de l’ordre (1831-1968)
La guerre contre les ennemis du dedans malgré le progrès
des idées libérales (1831-1848) 177
Deux paroxysmes de la violence du peuple contre lui-même délimitent une période plus apaisée (1848-1871) 180
La force publique, instrument de la démocratisation
de la République (1884-années 1930) 185
Le maintien de l’ordre entre dévoiement, guerre coloniale
et aspirations à une nouvelle société (1940-1968) 193
Lutter et protester dans les colonies françaises :
qui, pour quoi et contre quoi ? (Afrique et Asie)
Les sociétés africaines face à la conquête coloniale 205
Travail forcé et travail salarié dans les colonies 209
Luttes des femmes africaines en contexte colonial 215
Lutter avec les outils coloniaux : conquérir le droit au divorce 215
Lutter contre l’ordre colonial 217
Les luttes des femmes pour l’émancipation
Espoirs d’émancipation à l’ère des révolutions du xixe siècle 226
Les femmes sur les chemins de l’utopie 226
S’engager dans la Révolution de 1848 227
La Commune des femmes 229
Suffragettes et midinettes : les luttes des femmes
sous la Troisième République 231
Autonomisation du féminisme
et diversification du répertoire militant 231
Qui défend les travailleuses ? Femmes, syndicats et grèves 233
La cause des femmes dans le creux de la vague ? 1945-1968 236
Le renouveau limité du féminisme à l’après-guerre 236
Participation des femmes aux luttes contre le pouvoir colonial 237
La division sexuelle du travail militant en mai 1968 239
Le Parti communiste, un acteur singulier des luttes populaires
Le triomphe de la volonté (1920-1934) ? 242
Une ambition 242
Des moyens 243
Un style 246
Difficultés et impasses 248
“Unir, unir, unir”, 1934-1947 249
Front populaire et antifascisme 249
La guerre et l’Occupation 253
La Libération 255
L’heure des extrêmes (1947-1968) ? 257
Guerre froide : retour aux années “classe contre classe” ? 257
Face aux guerres coloniales : des mobilisations spécifiques ? 260
Rassembler le grand nombre au risque de se couper
des plus déterminés ? 263
Le PCF, agent modérateur (1968) ? 266
Outils
Chronologie 273
Institutions et organisations
Action française 285
Bourses du travail 286
Comité de Guéret 287
Compagnies républicaines de sécurité (CRS) 287
Garde nationale 288
Garde républicaine 288
Garde républicaine mobile (GRM) 289
Gardiens de la paix 290
Gendarmerie nationale 290
Ligues 291
Mouvement français pour le planning familial (MFPF) 292
Parti communiste français 292
Préfecture de police 293
Section française de l’Internationale ouvrière 294
Individus 295
Bibliographie 317
Glossaire 346
Index 355
Julien Caranton est maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Grenoble Alpes. Ses travaux portent sur l’histoire du travail, des mondes ouvriers et de la régulation de l’activité économique aux XIXe et XXe siècles. En 2017, il a soutenu une thèse intitulée Les fabriques de la “paix sociale”. Acteurs et enjeux de la régulation sociale (Grenoble, 1842-1938). Celle-ci a été récompensée par le prix d’histoire de l’Académie François Bourdon et la Fondation Arts et Métiers (2019), ainsi que le prix d’histoire sociale de la Fondation Mattei Dogan et de la FMSH (2019). Dans le présent ouvrage, qu’il a dirigé, il a rédigé l’introduction et les deux premiers chapitres de la partie “Repères”. Il a également pris en charge une grande partie des “Outils”.
Adeline Blaszkiewicz-Maison est agrégée d’histoire et docteur en histoire contemporaine. Chercheuse rattachée au Centre d’Histoire sociale des mondes contemporains, elle enseigne au lycée Adolphe-Chérioux de Vitry-sur-Seine. Elle est l’auteur de Albert Thomas. Le socialisme en guerre, Presses universitaires de Rennes, 2016. Ses recherches portent sur l’histoire de l’Organisation internationale du travail, le socialisme français et international, et la vie politique française sous la IIIe République. Dans le présent ouvrage, elle a rédigé le troisième chapitre de la partie “Repères”, intitulé “Entre guerres et grèves. Les mouvements sociaux à l’épreuve des crises du premier vingtième siècle (1914-1945)”.
Romain Castellesi est docteur en histoire contemporaine et chercheur associé au LIR3S (Université de Bourgogne). Ancien étudiant à l’ENS de Lyon, il est actuellement professeur d’histoire-géographie dans l’enseignement secondaire. Sa thèse, intitulée “Les armes des faibles et la faiblesse des armes” : actions et réactions ouvrières en situation de désindustrialisation en France (1951-2012), vient d’être récompensée par le prix de thèse Rolande Trempé (2022). Dans le présent ouvrage, il a rédigé le quatrième chapitre de la partie “Repères”, intitulé “L’illusion des Trente Glorieuses. Transformations de la protestation en France de la Libération au début des ‘années 68’”.
Caroline Fayolle est agrégée d’histoire, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Montpellier et membre junior de l’Institut Universitaire de France. Ses recherches portent sur l’histoire du genre et du féminisme pendant la Révolution française et les révolutions du xixe siècle. Après avoir travaillé sur la fabrique des identités sexuées par l’éducation révolutionnaire, elle s’intéresse aujourd’hui à la place des femmes dans les associations ouvrières du xixe siècle. Parmi ses ouvrages publiés, on peut citer : La femme nouvelle. Genre, éducation, révolution (1789-1830), Éditions du CTHS, 2017 ; Le féminisme. Histoire et actualité, Presses universitaires Blaise Pascal, 2018. Elle a également codirigé (avec Carole Christen et Samuel Hayat) l’ouvrage S’unir, travailler, résister. Les associations ouvrières au xixe siècle, paru aux Presses universitaires du Septentrion en 2021. Dans le présent ouvrage, elle a rédigé le chapitre intitulé “Les luttes des femmes pour l’émancipation”.
Thaïs Gendry est docteur en Histoire contemporaine (EHESS-UniGenève) et postdoctorante à la Scuola Superiore Meridionale de Naples, où elle étudie les différents régimes pénaux de l’empire colonial français. Elle a enseigné à l’EHESS, à l’université de Genève et à l’Université de Buenos Aires. Elle est membre du conseil scientifique du Groupe de recherche sur les ordres coloniaux (GROC). Dans le présent ouvrage, elle a rédigé le chapitre intitulé “Lutter et protester dans les colonies françaises : qui, pour quoi et contre quoi ? (Afrique et Asie)”.
François Jarrige est historien, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne et membre du LIR3S (UMR 7366 CNRS-uB). Il s’intéresse à l’histoire des techniques, aux mondes du travail et aux réformateurs sociaux, et explore les enjeux sociaux et écologiques de l’industrialisation. Il a récemment publié (dir. avec A. Vrignon), Face à la puissance. Une histoire des énergies alternatives à l’âge industriel, La Découverte, 2020 ; [avec T. Le Roux], La contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge industriel, Seuil, coll. “L’univers Historique”, 2017, rééd. poche 2020 ; (dir. avec M. Fontaine et N. Patin), Le travail en Europe occidentale, Atlande, 2020. Dans le présent ouvrage, il a rédigé le chapitre intitulé “Grèves, protestations et violences : dépérissement, permanence et réinvention”.
Laurent Lopez est professeur détaché de l’Éducation nationale et commandant de la gendarmerie nationale, chargé d’études et d’enseignement au sein du Service historique de la Défense (SHD). Docteur en histoire contemporaine, ses travaux portent sur l’histoire des forces de l’ordre françaises et sa thèse a été éditée sous le titre La guerre des polices n’a pas eu lieu. Gendarmes et policiers, coacteurs de la sécurité publique sous la Troisième République (1870-1914), Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2014. Il est chargé d’enseignement à l’université Paris – Panthéon-Assas ainsi qu’à l’Université de Montpellier. Il a récemment copublié European Police Forces and Law Enforcement in the First World War, Basingstoke/London, Palgrave MacMillan, 2019, et sur le thème du maintien de l’ordre en particulier, “Maintaining public order without the participation of the population. Police of crowds by the police of public opinion (France, late 19th century)”, Rechtskultur - Zeitschrift für Europäische Rechtsgeschichte (Culture juridique - Revue d’histoire juridique européenne - Revue d’histoire européenne - Journal européen d’histoire du droit), déc. 2019, no 8, p. 213-229. Il codirige la préparation d’un ouvrage sur le maintien de l’ordre, la gendarmerie mobile et l’État, issu d’un colloque organisé au SHD en 2021. Membre du comité de rédaction de la Revue historique des armées, il est chercheur associé au CESDIP (UVSQ-CNRS UMR 8183). Dans le présent ouvrage, il a rédigé le chapitre intitulé “La force publique et la démocratisation de la France. L’ordre à l’épreuve de la liberté, la liberté au péril de l’ordre”.
Guillaume Roubaud-Quashie est agrégé et docteur en histoire. Professeur au lycée Albert-Camus (Bois-Colombes), il est chercheur associé au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne/CNRS). Ses travaux portent sur les jeunes, le communisme et les politisations populaires. Il a notamment dirigé Cent ans de Parti communiste français, Paris, Cherche-Midi, 2020. Dans le présent ouvrage, il a rédigé le chapitre intitulé “Le Parti communiste, un acteur singulier des luttes populaires”.
Au milieu du xixe siècle, la France est un pays de petits propriétaires terriens [Mayaud, 1999]. La Révolution française, qui a instauré le partage égalitaire des successions entre les héritiers, a renforcé cette particularité. Le recensement de population de 1851 dénombre 2,5 millions de propriétaires exploitants, 1,5 million de fermiers qui travaillent une terre qui ne leur appartient pas, ainsi que 3 millions de journaliers ou domestiques rattachés à une exploitation. Parmi ces propriétaires et fermiers*, un grand nombre exerce une activité complémentaire (dans les mines, les forges ou l’horlogerie, par exemple) et tire des ressources en nature, non négligeables, des portions de forêts communales mises à disposition pour la communauté. Malgré ce morcellement, les campagnes françaises sont dynamiques, puisque la production agricole connaît un taux de croissance supérieur à 1 % durant la première moitié du xixe siècle. La polyculture domine encore, même si certains agriculteurs se spécialisent afin d’accroître leurs rendements. Cette spécialisation s’observe dans le Bassin parisien où de grands propriétaires et fermiers pratiquent une culture céréalière intensive au sein de grands champs ouverts (openfield). Le choix de l’élevage est fait en Normandie et dans le Limousin, celui de la fruiticulture dans la vallée du Rhône et celui de la viticulture dans le Languedoc. À l’inverse, la petite propriété terrienne domine largement en Bretagne, dans les Alpes et les Pyrénées ou dans le Massif central. Ces petites terres, dont la superficie dépasse très rarement les dix hectares, sont exploitées en jachère ou formées de terres incultes. Dans le sud et l’ouest de la France, le métayage* est le système prépondérant d’exploitation des terres, ce qui peut expliquer que les paysans pauvres restent encore très liés aux grands notables au milieu du xixe siècle et qu’il existe une forte solidarité territoriale.