Casanova, Histoire de ma vie
Raphaëlle Brin et Florence Balique
France met. & monde : 3€ jusqu'à 25€, 6€ jusqu'à 50€, 9€ jusqu'à 100€, 12€ au-delà 100€ DOM-TOM : 8€
LA référence pour l’agrégation de Lettres
Fiche technique
- Référence
- 460685
- ISBN
- 9782350306858
- Hauteur :
- 17,8 cm
- Largeur :
- 12 cm
- Nombre de pages :
- 258
- Reliure :
- broché
SOMMAIRE
INTRODUCTION ............................................. 11
REPÈRES
“UN CRAPAUD DANS LE BOURBIER D’APOLLON” ? CASANOVA ÉCRIVAIN
RETOUR SUR UNE TRAJECTOIRE LITTÉRAIRE ....... 20
L’HISTOIRE DE MA VIE : TEXTE ET CONTEXTES
L’AUTOBIOGRAPHIQUE AVANT L’HISTOIRE DE MA VIE ................... 31
GENÈSE ET RÉDACTION ...................... 33
LE DESTIN ÉDITORIAL DU MANUSCRIT ........... 37
DEVENIRS FICTIONNELS ...................... 40
L’“AUTOBIOGRAPHIE DE L’HOMME SANS NOM” : REPÈRES GÉNÉRIQUES
“NI L’HISTOIRE D’UN ILLUSTRE...” ........................ 44
“... NI UN ROMAN” ..................................... 47
“JE NE DONNERAI PAS À MON HISTOIRE LE TITRE DE CONFESSIONS” .... 51
“JACQUES CASANOVA DE SEINGALT, VÉNITIEN”
“L’AMOUR DE LA PATRIE” ........................... 55
“JE L’HABILLE À L’ITALIENNE” : CASANOVA ET LA LANGUE FRANÇAISE ...58
PROBLÉMATIQUES
L’AVENTURE AMOUREUSE
LIBERTINAGE ET SENTIMENT ............ 66
INCONSTANCE ...................... 70
“JE L’ AURAIS ÉPOUSÉE...” : L’ÉVITEMENT DU MARIAGE ........... 73
SEXUALITÉ ET ÉCONOMIE ...................... 75
OMBRES ...................... 80
LA CULTURE DES PLAISIRS
APPÉTITS .................. 85
DU BESOIN AU PLAISIR ..... 87
TEMPORALITÉS ................ 89
L’AUTOBIOGRAPHIE COMME ACTIVITÉ DE PLAISIR ...... 90
RELIGION ET SUPERSTITION
“ESPRIT FORT” ............... 93
ÉROTISME ET SACRÉ ......... 97
SUPERSTITION ................ 98
UN VÉNITIEN À PARIS
“LE CHARMANT PARIS” .............. 101
CENTRE ET PÉRIPHÉRIE .............. 105
UN “JARGON SINGULIER ET NOUVEAU” ............... 108
DU POUVOIR
MAJESTÉ ET SPECTACLE DU POUVOIR ........ 113
POUVOIR ET SEXUALITÉ ......................... 118
“LE DESPOTISME DU PEUPLE” ....................... 122
“LA LIBERTÉ OU LA MORT”
VENISE, ENTRE LICENCE ET RÉPRESSION .......... 127
UN “FIER ACTE DE DESPOTISME” ................ 131
“L’ENFER DE L’HUMANITÉ VIVANTE” ............... 134
L’ART DE LA FUITE .................... 136
IDENTITÉS ET MÉTAMORPHOSES
THÉÂTRE ET JEUX DE RÔLES ................. 141
“LE TEMPS DES MASQUES” ....................... 143
LES MÉTAMORPHOSES DE M.M .................... 145
“È QUELLO” ........................ 147
SÉDUIRE LE LECTEUR
“CHER LECTEUR” ................. 149
“LE TALENT DE FAIRE RIRE” ...... 153
CONCLUSION ................. 159
TRAVAIL DU TEXTE
PRÉAMBULE : L’EXERCICE DE CONCOURS À L’ÉPREUVE DU STYLE LIBRE ...... 165
LEXICOLOGIE
• “cochonnerie”, p. 1178 ........... 170
• “sublimée”, p. 1188 ............... 172
• “prisons”, p. 1198 ................. 173
• “oracle”, p. 1280 ................... 175
• “aventure”, p. 1183 ............... 177
• “infâme”, p. 1239 ................... 178
• “confesser”, p. 1267 ............... 180
SYNTAXE
ÉCRIRE EN FRANÇAIS À L’ITALIENNE : DEUX POINTS D’ÉTUDE SYNTAXIQUE QUI MÉRITENT COMMENTAIRE .......... 185
L’emploi des adjectifs qualificatifs ......................... 185
• Emploi varié et invention littéraire ................. 185
• Adjectif en fonction épithète .......................... 185
• Adjectif en fonction attribut .............................. 189
• Substantivation de l’adjectif ............................. 192
Parataxe et hypotaxe ............................ 194
• Parataxe ................................ 195
• Hypotaxe ........................ 198
• Parataxe et hypotaxe mêlées ............... 199
• Enchâssement et virgule .............. 200
• Phrase nominale ......................... 200
REMARQUES NÉCESSAIRES : QUELQUES EXEMPLES ....... 202
• 1. ..................... 202
• 2. ..................... 203
• 3...................... 204
ÉTUDE DE STYLE
QUELQUES PISTES .................... 209
L’art de l’enchâssement narratif ................ 209
• Le défilé des mésaventures ............ 209
• Les marques d’encadrement .............. 210
• L’exploration des possibles narratifs .......... 211
Une Histoire théâtralisée par l’animation du discours ......... 212
• Entrées en scène .......................................... 212
• Des modalités diverses du portrait ........................... 213
• Formes variées du discours, miroirs de l’humain ............... 214
Récit et revendication éthique ................................ 217
• Une confession anti-rousseauiste ................................ 217
• Axiologie paradoxale et libre pensée .................... 220
• Insolence ironique et débordement discursif ............................. 223
POINT D’ORGUE ESTHÉTIQUE DU DÉBORDEMENT : QUAND LE POUVOIR S’Y PERD ..................... 228
OUTILS
BIBLIOGRAPHIE ..................................... 235
GLOSSAIRE ...................................... 249
Agrégée de lettres modernes et docteur en littérature française, Raphaëlle Brin a consacré une thèse à l’œuvre polygraphique de Giacomo Casanova et coordonné le volume collectif Écrire à tort et à travers: Casanova, publié en 2016 chez Classiques Garnier. Dans le cadre du projet dirigé par Jean-Christophe Igalens et Érik Leborgne, elle collabore à l’édition critique de textes inédits ou peu accessibles de l’écrivain, qui seront publiés en 2021 chez Robert Laffont. Elle enseigne actuellement la littérature française à l'université de Kyoto. Elle a rédigé les parties Répères et Problématiques du présent volume.
Florence Balique, professeur agrégé de Lettres modernes, a soutenu en 2002 une thèse intitulée “Étude rhétorique des discours dans les ‘Fables’ de La Fontaine”. Auteur d’un essai paru en 2009, aux PUF, dans la collection “L’Interrogation philosophique” sous le titre De La Séduction littéraire, elle a également publié un ouvrage sur les pouvoirs du langage: S’armer de paroles, jeux et enjeux rhétoriques, paru aux éditions Ellipses, en 2010. Elle a rédigé la partie Travail du texte du présent ouvrage.
Sexualité et Économie
René Démoris a relevé les liens étroits qui unissent dans l’Histoire de ma vie profit, sentiment et sexualité. La “supériorité économique réelle ou supposée” du séducteur apparaît en effet fréquemment dans le récit comme un préalable indispensable à ses conquêtes amoureuses. L’aventurier jette généralement son dévolu sur les femmes dans le besoin : domestiques, jeunes filles pauvres ou ruinées, voyageuses incapables d’assurer leur subsistance et réduites à payer de leur personne… La plupart d’entre elles, précise René Démoris, “acceptent de vivre sur le mode du sentiment des aventures entamées sous les auspices d’un rapport économique […]. Le récit de Casanova fait apparaître comme mystification l’exigence de moralité et de désintéressement prétendument nécessaires au bonheur sentimental et passionnel des personnages, exigence abondamment représentée dans la fiction antérieure” [1977, p. xxxviii]. Dépourvu de scrupules à l’encontre des amours tarifées, le Vénitien se montre en outre particulièrement attentif aux logiques économiques liées à la consommation et à la circulation des corps.
La posture du “bienfaiteur”, récurrente sous sa plume, n’est pas dénuée d’ambiguïtés : si Casanova aime à se représenter sous les traits valorisants du donateur, il n’est pas insensible aux bénéfices concrets et plus ou moins immédiats, qu’il peut obtenir de ses largesses. “Faveurs” et “récompenses” s’inscrivent dans un système qui tient parfois davantage du marchandage que de l’aumône : “La pleine confiance qu’il a pour ce qu’il appelle pudiquement les ‘lois de la reconnaissance’, montre qu’il s’y entendait dans l’évaluation d’un rapport de force” [Thomas, 1998a, p. 113]. L’épisode de la Vésian illustre cette ambivalence : orpheline et réduite à la misère, la jeune Parmesane loge avec son frère dans une chambre de l’hôtel de Bourgogne contiguë à celle du Vénitien. Ce dernier pressent aussitôt la possibilité d’une “aventure” : “Italiens, jolis, pauvres, nouveaux arrivés, et mes voisins, voilà cinq motifs, qui me poussèrent à leur faire d’abord une visite” (p. 823). Il conseille d’abord sans détours à la jeune femme de monnayer ses faveurs, mais se voit répliquer “que le sacrifice d’elle-même ne ser[a] que sa dernière ressource” (p. 825). Touché par ses malheurs autant que séduit par ses charmes, il lui promet alors son secours et s’adonne au fantasme narcissique du sauveur providentiel. La narration dit simultanément la générosité et le calcul : “Elle m’inspira en même temps l’envie de lui plaire comme amant, et celle de me faire estimer en qualité de bienfaiteur désintéressé. Cette dernière prévalut parce qu’elle m’aplanissait le chemin pour parvenir à l’autre avec succès, et un plaisir beaucoup plus grand” (p. 827).