Une histoire mondiale de l'olympisme
1896-2024
Dirigé par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Daphné Bolz, Yvan Gastaut, Sandrine Lemaire et Stéphane Mourlane
France met. & monde : 3€ jusqu'à 25€, 6€ jusqu'à 50€, 9€ jusqu'à 100€, 12€ au-delà 100€ DOM-TOM : 8€
130 ans d'histoire olympique revisités à travers 36 passionnants articles réunissant les meilleurs spécialistes internationaux de l’olympisme, venus de différents horizons disciplinaires.
Fiche technique
- Référence
- 460869
- ISBN
- 9782350308692
- Hauteur :
- 21 cm
- Largeur :
- 15 cm
- Nombre de pages :
- 474
- Reliure :
- broché
Sommaire
Préface
Antoine Petit 29
Introduction
Nicolas Bancel, Pascal Blanchard,
Gilles Boëtsch, Daphné Bolz, Yvan Gastaut,
Sandrine Lemaire & Stéphane Mourlane 33
Partie 1
Des Jeux Olympiques sous influences (1896-1920)
Le rétablissement des Jeux Olympiques
(Athènes 1896)
Christina Koulouri 51
Les Jeux Olympiques de 1900 ont-ils eu lieu ?
Pascal Ory 63
Les Jeux Olympiques de St. Louis 1904
et l’enjeu anthropologique
Fabrice Delsahut 69
Berlin 1916 et Anvers 1920: de la guerre à la paix ?
Michael Krüger 81
Perspectives
Les valeurs olympiques. Un enjeu et un héritage
Michaël Attali 91
Partie 2
L’Europe des totalitarismes (1920-1945)
Paris 1924, entre parcimonie
et rayonnement français
Paul Dietschy 107
Los Angeles 1932, les États-Unis entrent en scène
Philippe Tétart 119
Berlin 1936, une victoire du nazisme ?
Daphné Bolz 131
“Vaincre et nous vaincrons”.
L’Italie fasciste au miroir de l’olympisme
Stéphane Mourlane 143
Perspectives
Contrepoint rouge
ou les tentatives soviétiques de créer
des Jeux Olympiques prolétaires (1921-1951)
Didier Rey 155
Partie 3
L’impact de la guerre froide (1945-1984)
Les Jeux Olympiques
dans la guerre froide (1948-1976)
Sandrine Lemaire et Guillaume Bourel 167
Défendre les lauriers, vaincre dans l’ombre.
Les États-Unis et les Jeux Olympiques (1972-1984)
François Doppler-Speranza 179
L’URSS et l’organisation des Jeux Olympiques
face aux défis de la guerre froide
Yannick Deschamps 191
L’Afrique et les Jeux Olympiques
avant les décolonisations (1945-1960)
Pascal Charitas 203
Perspectives
Le CIO à l’épreuve de la guerre froide :
entre remise en question et évolutions
Carole Gomez 215
Partie 4 Revendications et ruptures (1968-1990)
Mexico 68. Le basculement de l’ordre du monde
Pascal Blanchard 227
Montréal 1976,
l’affirmation d’une “puissance africaine” ?
Nicolas Bancel 239
L’Afrique et les Jeux Olympiques
après les décolonisations (1960-1990)
Sylvère-Henry Cissé 251
Le temps des boycotts
Dominic Thomas 263
Séoul 1988, croisement d’époques
Yvan Gastaut 273
Perspectives
Le CIO et la lutte contre le dopage
Fabien Ohl 285
Partie 5
Les défis du gigantisme (2000-2020)
Pékin 2008, la Chine entre enjeux
Gabriel Bernasconi 301
Londres 2012,
des Jeux Olympiques exemplaires ?
Vassil Girginov 313
Mondialisation et évolution
de la gouvernance du CIO
Emmanuel Bayle 325
Les Jeux Olympiques de Tokyo
et l’épidémie COVID-19
Gilles Boëtsch 339
Perspectives
Les impacts du professionnalisme
Pierre-Olaf Schut 351
Partie 6
Enjeux et problématiques olympiques
Paralympisme et Olympisme.
Pour une histoire-monde de la mise en spectacle
des performances extraordinaires
Anne Marcellini 363
CIO et lex sportiva
Didier Poracchia 375
L’avenir (non) durable des Jeux Olympiques
Sven Daniel Wolfe, David Gogishvili et Martin Müller 387
Sexe, genre et performance olympique :
des contrôles de sexe imposés aux sportives
Anaïs Bohuon 397
La question de l’apolitisme du CIO face aux régimes non démocratiques
Lukas Aubin 409
Postface & conclusion
L’olympisme, un avenir ?
Georges Vigarello 421
Annexes
Bibliographie 441
Programme 467
Spécialistes renommés dans leur domaine, Nicolas Bancel (histoire coloniale française, du sport et des mouvements de jeunesse), Pascal Blanchard (histoire coloniale et co-directeur du groupe Achac), Gilles Boëtsch (directeur de recherche au CNRS) et Sandrine Lemaire (co-directrice du groupe Achac) ont codirigé plusieurs ouvrages à succès tel que Sexe, race & colonies (2018).
Ils ont associé à la direction de cet ouvrage :
Daphné Bolz, docteure en sociologie et en sciences du sport de l’université de Strasbourg et de Berlin et actuellement chercheuse à l’International Centre for Sport History and Culture à Leicester (UK) ;
Yvan Gastaut, maître de conférences d'Histoire à l’Université Côte d’Azur, spécialiste de l'immigration en France et de ses rapports avec le sport, ainsi que de l'histoire du football ;
Stéphane Mourlane, maître de conférences en Histoire contemporaine à Aix-Marseille Université et enseignant à Sciences Po Paris.
Avec la participation de :
En 2024, à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris, l’histoire moderne de l’olympisme aura 130 ans. Elle commence à la fin du XIXe siècle et se poursuit en ce début de XXIe siècle. En effet, après de nombreuses tentatives de rénovation des Jeux Olympiques anciens depuis le XVIIIe siècle1, c’est en 1894 que Pierre de Coubertin – qui y réfléchit depuis des années – et quelques responsables, membres notamment de l’USFSA (Union des sociétés françaises de sports athlé- tiques), décident de lancer le Comité international olympique (CIO), puis d’organiser les premiers Jeux Olympiques des temps modernes à Athènes, en 1896.
Toute la symbolique antique est réquisitionnée pour légitimer ce qui est alors présenté comme la renaissance des concours sportifs pentétériques organisés à Olympie, depuis le VIIIe siècle avant notre ère jusqu’en 393 de notre ère. À l’épicentre des Jeux Olympiques réinventés se dessinent dès l’origine – au-delà de la quête des victoires sportives – des enjeux culturels et géopolitiques, alors même que les exhortations à l’apolitisme du fait sportif sont omniprésentes. Pierre de Coubertin y voit un moyen de contribuer à une “paix universelle2” en cette fin de XIXe siècle marquée par la multiplication de crises susci- tées par la montée des nationalismes et des impérialismes.
30 années d’histoire analysées au prisme de l’olympisme dans un ouvrage passionnant, intelligent et stimulant ! Le groupe de recherche Achac, qui anime le programme "Histoire, Sport et Citoyenneté" de la CASDEN Banque Populaire, nous propose ici une autre histoire du monde en envisageant les Jeux olympiques comme le reflet des enjeux et conflits majeurs de l’époque contemporaine. Au delà de l’engouement qu’elle suscite et de son gigantisme, cette compétition sportive est bien un objet sérieux à étudier. Depuis la création du CIO en 1894 sous l’impulsion du Pierre de Coubertin qui lança la première édition athénienne de 1896 jusqu’aux Jeux Olympiques de Paris à venir, l’olympisme a étendu son emprise sportive mais aussi spatiale, politique, économique et culturelle. Cette Histoire mondiale de l’olympisme (1896-2024), dirigée par les historiens Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Daphné Bolz, Yvan Gastaut, Sandrine Lemaire et Stéphane Mourlane, rassemblent une trentaine d’articles passionnants écrits par des spécialistes de diverses disciplines (histoire, géographie, droit, sport, sociologie, etc.) qui nous plongent au cœur des olympiades d’été et ainsi donc au cœur des grands enjeux historiques de chaque période.
SOURCE : Armand Bruthiaux, La Cliothèque, en ligne.
L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques à l’été 2024 à Paris – mais aussi d’autres parties du territoire – ouvre un boulevard éditorial dont les chercheurs en sciences humaines et sociales auraient tort de ne pas s’emparer, au risque de laisser le champ libre aux compilations d’anecdotes et autres chroniques subjectives entretenant les mythes autour des supposées valeurs du sport1 et de l’olympisme. La somme que proposent ici les 36 auteurs, majoritairement historiens, mais aussi sociologues, géographes, gestionnaires ou juriste, sous la coordination de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Daphné Bolz, Yvan Gastaut, Sandrine Lemaire et Stéphane Mourlane, est une gageure. L’ouvrage se propose en effet de réaliser une histoire « mondiale » des Jeux olympiques modernes – on leur sait gré d’avoir évité l’épithète « global » qui aurait ici été fallacieux –, couvrant les quelque 13 décennies écoulées depuis le fameux « Congrès international du renouveau athlétique » de juin 1894. Ce congrès, qui s’est tenu à la Sorbonne, a acté, non sans d’intenses manœuvres diplomatiques2, le « rétablissement » de la compétition. L’ouvrage que nous présentons relève le défi de marcher sur la corde raide entre rigueur scientifique et souci de vulgarisation, au sens noble du terme.
Si le volume de l’ensemble pourrait dissuader certains lecteurs, les chapitres sont synthétiques et accessibles, sans pour autant sacrifier les références bibliographiques. Comme l’écrivent les coordinateurs en introduction, les Jeux olympiques, loin d’être en apesanteur sociopolitique, « sont un miroir offrant le reflet, plus ou moins déformé, de dynamiques à l’œuvre au sein des sociétés contemporaines », ébauchant rien de moins qu’une « autre histoire du monde », ce que s’emploie à démontrer chacune des contributions, regroupées en six grandes parties thématico-chronologiques : « Des jeux olympiques sous influence (1896-1920) », « L’Europe des totalitarismes (1920-1945) », « L’impact de la guerre froide (1945-1984) », « Revendications et ruptures (1968-1990) », « Les défis du gigantisme (2000-2020) » et « Enjeux et problématiques olympiques ». Loin de se limiter à ces derniers chapitres, de nombreuses problématiques sont soulevées tout au long de l’ouvrage. La majorité des contributions traite d’une édition des Jeux olympiques d’été3 tandis que quelques-unes abordent des « perspectives » plus transversales, telles que les valeurs olympiques, les tentatives soviétiques d’organiser des Jeux prolétariens, les Jeux face à la guerre froide, les boycotts, la lutte contre le dopage, le professionnalisme, la lex sportiva du CIO, la durabilité des Jeux, les contrôles de sexe imposés aux seules sportives4 ou l’apolitisme du CIO face aux régimes autoritaires.
S’il est impossible ici de résumer l’ensemble de ces textes, eux-mêmes synthétiques, on peut néanmoins souligner qu’ils mettent en lumière la dimension politique de l’événement quadriennal et, par-delà, du sport en général, tout en replaçant soigneusement chaque édition des Jeux dans son contexte socio-historique spécifique – une précaution que ne prennent pas toujours les commentateurs pressés dans d’autres écrits. Ainsi Christina Koulouri rappelle l’investissement du relativement jeune État grec dans la « renaissance » des Jeux, quand Pascal Ory, pointant l’intrication étroite de l’édition de 1900 dans l’Exposition universelle, demande non sans provocation si ces premiers Jeux parisiens ont vraiment eu lieu5. Fabrice Delsahut souligne pour sa part le poids du racisme dans ceux de Saint-Louis en 1904, des Jeux noyés dans une Exposition universelle qui célébrait le centenaire de l’achat de la Louisiane. Michael Krüger met quant à lui en relation les Jeux avortés de Berlin en 1916 et le développement de la gymnastique et du sport en Allemagne. Les Jeux d’Anvers, en 1920, voient l’inauguration du drapeau aux anneaux entrelacés et marquent l’entrée de la manifestation dans une nouvelle ère, en même temps que le début de la mise à l’écart de Coubertin. Les premiers Jeux de Paris, en 1924, que la France utilise comme un moyen d’affirmer sa puissance, se caractérisent par l’avènement du sport-spectacle avec ses stars, dont certains acteurs hollywoodiens, mais aussi la professionnalisation larvée qui montre déjà toute la porosité entre amateurisme et professionnalisme dans ce domaine6. Dérivatif de la Grande Dépression qui bat alors son plein, les Jeux de 1932 à Los Angeles permettent aux États-Unis de marquer l’événement de leur empreinte modernisatrice à travers différentes innovations : resserrement du calendrier, remise des médailles in situ accompagnée des hymnes ou chronométrage au centième de seconde. L’alliance de circonstance entre olympisme et nazisme lors des Jeux de Berlin en 1936 constituait un « calcul à court terme » qui n’a « pas fini de hanter la société allemande et l’histoire de l’olympisme », estime Daphné Bolz, tandis qu’à l’inverse les traces de la longue relation entre l’olympisme et le fascisme sont vite passées inaperçues, comme le pointe Stéphane Mourlane.
C’est cependant sans conteste avec la guerre froide que la dimension politique des Jeux olympiques est apparue d’une manière plus éclatante et durable. Plusieurs contributions lui sont logiquement consacrées, nous déplaçant de part et d’autre du Rideau de fer, mais aussi dans les espaces tiers, comme le continent africain, où Pascal Charitas montre comment se prépare l’intégration dans l’ordre mondial et olympique des pays colonisés avant même les indépendances des années 19607. Nous apprenons comment le CIO peine à se remettre en question sous la présidence du conservateur étatsunien Avery Brundage (1952-1972), dont l’antisémitisme le dispute à l’anticommunisme. Les Jeux de Mexico en 1968 constituent un concurrent sérieux à la palme de l’édition la plus politisée dans le contexte extrêmement tendu de la guerre du Vietnam, mais aussi des tensions de Corée et du Printemps de Prague, auxquels s’ajoutent les mouvements sociaux qui éclatent à différents points du globe. Les Jeux, précédés par une sanglante répression des mobilisations étudiantes qui culmine le 2 octobre avec le massacre de Tlatelolco et ses plus de 300 morts, sont aussi marqués par la contestation politique en faveur des droits civiques aux États-Unis : les coureurs du 200 mètres, Tommie Smith et John Carlos, sont exclus à vie pour leur poing levé ganté de noir. Mais ces Jeux donnent aussi lieu à la dénonciation de la répression soviétique en Tchécoslovaquie ; la sextuple championne de gymnastique Vera Caslavska et son mari sont également exclus pour avoir simplement signé un manifeste.
Nicolas Bancel montre comment le boycott par 24 pays africains des Jeux de Montréal en 1976, contre le maintien par la Nouvelle-Zélande de relations sportives avec le régime de l’apartheid, a également constitué un moyen pour ces pays d’affirmer l’existence d’une véritable force africaine sur la scène internationale, alors qu’ils prenaient conscience, à partir du début des années 1960, du puissant levier d’image que représente le sport, comme le raconte Sylvère-Henri Cissé. La victoire du soldat éthiopien Abebe Bikila, qui concourt pieds nus au marathon des Jeux de Rome de 1960, est un autre exemple de la vitrine politique que constituent les Jeux. Il court ainsi sur les lieux mêmes d’où les troupes de Mussolini étaient parties envahir son pays un quart de siècle plus tôt.
Enfin, les Jeux de Séoul en 1988 marquent l’émergence du continent asiatique, en même temps que le chant du cygne de l’URSS et de la RDA sur le terrain du sport, alors qu’éclatent les premiers scandales de dopage : celui par exemple du sprinteur canadien Ben Johnson, vingt ans après l’instauration des premiers contrôles. Fabien Ohl revient justement sur la lente émergence de ce « problème public » en rappelant notamment que la question fut longtemps jugée insignifiante par le CIO, et notamment par Brundage, bien plus préoccupé par la question de l’amateurisme. Celui-ci vole en éclat sous la présidence Samaranch à partir de 1980, qui fait aussi entrer l’événement dans une nouvelle ère marchande en ouvrant grand la porte au sponsoring et à la commercialisation des droits télévisés et de la marque olympique. Cela n’empêche pas pour autant les entreprises politiques de se poursuivre, qu’il s’agisse de l’investissement chinois avec les Jeux de Pékin de 2008 pour marquer sa montée en puissance, ou dans un autre registre la mise en scène par Londres de Jeux « exemplaires » en 2012. Incarnant son souci de « durabilité » écologique par l’adoption d’un « Agenda 21 » dès 1999, le CIO et les comités d’organisations locaux sont à bon droit taxés d’écoblanchiment, tandis que certaines solutions sont avancées pour limiter les dégâts, comme la gabegie financière ou le fait de désigner un site fixe par continent qui organiserait l’événement à tour de rôle, rappelées dans sa conclusion par Georges Vigarello, qui les juge cependant « complexes, voire inapplicables ». Autre enjeu politique : la gouvernance du CIO, dont les démocraties populaires réclamaient sans succès la démocratisation. Mise à l’épreuve par plusieurs scandales de corruption, celle- ci paraît de plus en plus inadaptée aux grandes transformations du monde actuel, comme le détaille Emmanuel Bayle dans sa contribution. Et si la réforme « CIO 2000 », abaissant notamment la limite d’âge à 70 ans et favorisant l’intégration de représentants des athlètes, a modifié la sociologie de ce club coopté, elle ne suffit pas à enrayer la crise de légitimité que traverse l’institution olympique. « Les Jeux olympiques de l’ère moderne pourraient ainsi s’éteindre comme se sont éteints les Jeux antiques » (p. 438), pronostique encore Vigarello après avoir récapitulé quelques-uns des défis auxquels ils font face. Cette histoire-là n’est pas encore écrite, mais cette somme riche, dont on peut forcément toujours regretter certains manques, constitue sans conteste un outil précieux pour l’aborder. On ne peut qu’espérer qu’il trouvera ses lecteurs parmi les amateurs d’histoire aussi bien que de sport.
SOURCE : Cahier d'histoire. Revue d'histoire critique 158 / 2023
Vous pouvez retrouver les premières pages du livre à feuilleter en cliquant sur le lien ici.